Ma femme, l’alcool et moi…

Ludivine est venue me consulter sur les conseils de son mari. Ils sont jeunes mariés, la quarantaine.

Walter

« Après m’être “rangé des voitures” comme on dit, je l’ai épousée. J’ai trouvé quelqu’un exactement comme moi. D’ailleurs nous ne serions pas commercialisables ailleurs.

La femme avec qui je vis, a une richesse que je n’avais pas trouvée chez les autres mais elle a aussi des problèmes qui dépassent tous ceux que j’avais pu rencontrer auparavant. Et si je ne mimais pas autant, je crois que je n’en serai pas là aujourd’hui à tenter d’affronter avec confiance les tourmentes.

Après plusieurs années de fréquentation, marié depuis un mois, j’ai découvert que ma femme buvait. Suis-je idiot ? Comment ne pas m’en être rendu compte auparavant alors que je vis avec elle !

Mais en général, ils font tout pour que cela reste caché. Divine est mon alter ego. J’ai longtemps souffert de yoyo moral, champion de la catégorie.

Peut-être est-ce pour cela que j’ai fait beaucoup de saut à l’élastique à 60 mètres de hauteur afin de me prouver ce que l’on peut faire. J’ai un travail manuel très spécialisé. J’ai commencé sa pratique dès l’âge de 18 ans.

J’ai donc ce côté torturé, équilibriste, que je retrouve chez ma compagne et j’ai pensé que nous aurions plus de chance de l’affronter ensemble. Chacun à travers l’apprentissage de l’échange de la vie et de soi-même, nous devons retrouver notre patrimoine, nos racines. Nous voulons un enfant; nous avons de grosses difficultés pour en avoir. À chaque fois les F.I.V. (Fécondation ln Vitro) sont un échec, donc tout cela nous motive tous les deux pour évoluer. »

Walter et Ludivine me consultent en alternance.

Ludivine

« Je suis très émotive, angoissée, fragile et je panique. Je suis comme un navire dans la tempête, très instable, inquiète, avec un énorme manque de confiance.

Tout cela pourrait se résumer dans une seule phrase : “je ne m’aime pas !” Et quand je déprime, j’ai tendance à prendre un verre ou deux, etc. … bref, j’en suis arrivé  à boire vraiment trop.

Cela fait très longtemps que je broie du noir. Je sais que la vie de couple n’est pas compatible avec la boisson mais j’en prends par manque d’assurance, c’est comme une envie de gâteau. Cela fait dix ans que ça dure, je n’ai plus d’envie, plus de motivation. Le problème est que maintenant j’en suis arrivée au besoin physique et en fait c’est un ménage à trois. Mon mari, l’alcool et moi, je trouve tous les prétextes pour en prendre. »

Le début de la thérapie en mars 1999 commence sous les meilleurs augures. Nous mettons en place un programme quotidien à la fois occupationnel et stimulant afin de lui permettre d’arrêter.

Je mets l’accent sur la nécessité d’une alimentation très saine, avec cuisson à la vapeur, des légumes fibreux tout en lui conseillant beaucoup de vitamines pour l’aider à se sevrer.

Ludivine

« Je n’arrive pas avoir le déclic, j’ai la volonté mais je n’éprouve pas le déclic et tant que je ne l’ai pas, je crains de ne pas réussir. »

Que représente l’alcool pour vous ?

« Pour moi c’est l’image d’une vie qui pourrait être très belle, remplie, riche et qui est profondément gâchée. »

Et l’image-choc qui pourrait représenter ce gâchis ?

« Je ne sais pas ! Quand je vois par exemple des clochards, j’y pense, parce que souvent ils sont bien alcoolisés. »

Si vous êtes d’accord je vous propose d’aller à la rencontre d’une femme clocharde et de lui apporter tous les jours à manger. Vous vous aiderez en l’aidant peut-être à sortir de ce système dépréciatif en lui donnant la foi dans l’échange.

À l’entretien suivant elle est soulagée d’avoir confié à toute sa famille ses problèmes. Ses rêves l’ont beaucoup perturbée.

Rêve

J’ai rêvé que mon mari préparait une omelette. À chaque fois qu’il cassait un oeuf un crocodile en sortait très visqueux.

Dans un autre, ma soeur jumelle disait que j’avais voulu la tuer.

« Je ne maîtrise pas ce qui sort de moi, mes impulsions, mes envies, mes mots. »

Vous êtes passive devant une oralité dévorante et subissez l’agressivité d’une partie de vous-même. Vous laissez sortir le crocodile. Le positif est que vous commencez à exprimer votre détresse.

C’est une détresse néanmoins croquante. Le crocodile est l’image d’une oralité qui sort de l’oeuf, elle la met à jour. Elle la subit sans la contrarier, sans opposition. Elle est donc encore sous l’emprise de l’alcool.

À ce point tout juste balbutiant de la thérapie elle décide d’arrêter pour effectuer une cure de désintoxication. Elle ne se sent pas en mesure seule d’arrêter. Je l’assure de ma confiance et de mon accompagnement quelle que soit sa décision.

Cela dure un an. Un an plus tard, quasiment jour pour jour, elle revient.

« Retour à la case départ ! J’étais très bien entourée par tous les organismes que sont la croix d’or ou les A.A. (Alcooliques Anonymes). J’ai effectué une cure qui dans un premier temps m’a comblée. J’ai fait beaucoup d’activités créatrices. J’ai été prise en charge comme un bébé si l’on- peut dire.

Et puis de retour chez moi j’ai été assistée mais je me rends compte que je sors de l’alcool pour rentrer dans une dépendance médicamenteuse. Alors j’ai décidé de les diminuer et j’arrête complètement ceux qui concernent l’alcool.

J’arrive à un point où ma vie se résume à une chose : l’alcool. Si je reviens vous voir c’est bien sûr parce que j’ai replongé. Donc les cures ne m’ont pas désintoxiquée totalement. »

J’espère tout de même qu’au niveau physique vous êtes mieux ?

Elle avait perdu du poids et retrouvé une ligne qu’elle n’avait pas auparavant.

« Physiquement s’est effectué un sevrage mais psychologiquement je ne suis pas guérie. Pour autant je ne me sens pas malade alcoolique. C’est une étiquette qu’on me colle et qui ne me convient pas. En parler à tout le monde, vouloir m’étaler, expliquer dans un premier temps m’a aidée mais maintenant me dessert puisqu’on me considère comme une alcoolique.

Mon mari vous le dira, nous avons des notes astronomiques de téléphone; donc je suis sortie de l’alcool pour entrer dans la dépendance médicamenteuse et téléphonique : je ne suis toujours pas moi-même, tout cela ne m’empêche pas de retomber en plus dans l’alcool.

C’est un carcan dans lequel je m’enferme. En fait, ce dont j’ai besoin c’est de rechercher la vie et la vie c’est quoi ? C’est mon mari, c’est être heureux ensemble, avoir des envies simples. Je suis décalée. Je me sens enfoncée, je pleure toute la nuit. Je veux redécouvrir le plaisir de me lever, le plaisir d’avoir une belle journée, le plaisir d’avoir du soleil, le plaisir de marcher. Une chose positive est que mon travail me plaît lorsque je retourne à la maison, mon état retombe aussi vite, dès que je ne suis plus occupée. »

Nous établissons toutes les deux un programme très strict par jour, à la fois occupationnel, alimentaire et hygiénique afin de l’aider, à se raccrocher à la vie et à des repères très précis.

« Dans ma famille, j’ai l’impression de ne pas avoir d’identité, déjà par rapport à ma jumelle, nous avons été séparées à l’âge de quatorze ans. Et puis nous étions des filles. J’ai l’impression que je ne sais pas qui je suis. Ce que je sais, c’est que je ne veux pas être étiquetée “malade alcoolique” et que je ne le suis pas.

Le hasard fait les choses curieusement.

Vous souvenez-vous de ce que vous m’aviez dit la première fois que je vous avais rencontrée ?

Nous avions parlé d’une clocharde à qui je devais donner à manger, ce que je n’ai jamais fait.

Et bien, la première fois que je suis revenue cette année, en sortant du rendez-vous, j’ai rencontré un clochard, auquel j’ai parlé assez longtemps. Je lui ai rapporté une quiche lorraine. Je me suis dit que j’irai de temps en temps, parce que je n’ai pas envie non plus de faire une B.A., une B.A. pour une B.A., cela ne veut rien dire mais quelque chose de naturel, simple.

Je me suis dit que cette fois-ci, j’avais le déclic et que sachant ce que je voulais, je réussirais à affronter et surmonter mon problème. »

Tout au long de cette année de cure psychanalytique, je continue de voir le mari de Ludivine.

Walter

« Moi aussi j’ai vécu dans les extrêmes.

On pouvait dire de moi: il est bien, il est bien ! Mais moi je me sentais tripeux.

Intérieurement, Ludivine vacille parce qu’elle a intériorisé la non confiance. Moi je n’ai pas plus confiance qu’elle, au bout du compte. Seulement je ne veux pas casser le fond de commerce parce qu’il n’est pas question tant d’arrêter de boire que surtout d’arrêter d’être “cor” et j’ai confiance en elle parce que c’est une fille très intelligente, très sensible.

Elle n’a pas plus de problèmes que j’en ai, c’est une façon différente.

Moi, ce n’est pas l’alcool, ce sont les idées qui me perturbent. J’ai l’impression d’être toujours en pression. Je me dis que c’est comme du patinage artistique au niveau du cervelet. II faut que je trouve le moyen de me décontracter. »

Mai 1999

« Pour une fois j’ai fait un rêve » :

J’étais dans un grand camp, il y avait des forains, des manouches, puis un grand pain de mousse, coupé en dossier de canapé, avec de chaque côté des petits chariots, pas installés et un chemin boueux comme on peut en voir chez les Kosovars. Des petits chariots chargés comme des mules.

Le chemin est boueux comme le mien. Ce n’est pas un chemin facile.

Mais ce sont aussi des gens très riches, avec une belle culture et leur richesse fait aussi leur solidarité, ayant une connaissance, la connaissance d’un passé qui a été transmis mais ils sont incompris. Je pense aussi, avec ce dossier de canapé que je me suis beaucoup trop adossé à des gens.

Quand je communique, ce n’est pas difficile de voir qui est chargé et avec une tête de mule.

Ce rêve vous traduit donc un changement d’état indispensable afin de ne pas se sédentariser sur un état angoissant mais accepter la mobilité en s’appuyant sur “une canne à paix “.

Ne restez pas dans le problème de votre femme, bricolez, créez, distrayez-vous, lisez, tout ce que vous avez envie de faire, sans vous préoccuper outre mesure d’elle. Elle fait son chemin, vous, faîtes le vôtre.

Situation quelques mois Plus tard. Octobre 1999

« Je n’avais pas la canne pour avancer vers la paix, mais j’ai décidé de lâcher mes béquilles. C’est que je n’en peux plus et je ne veux plus être uniquement un manuel. Je sens que j’ai une capacité pour faire autre chose et je veux me donner des buts. J’ai observé que lorsque je marchais, je ne regardais pas au loin, je regardais mes pieds et lorsqu’on regarde ses pieds, on ne voit pas la direction.

Dans la vie on est manipulé par la famille, par les employeurs, par le monde. Au boulot, j’ai trop souvent l’impression d’être le chevalier Bayard avec mon patron. On ne sait pas vraiment où l’on en est.

Dans mon travail je faisais beaucoup d’heures. Cela m’a permis d’assurer une assise financière, cela m’a valorisé et a été très positif pour moi.

Mais j’arrive à un âge où il faut que je fasse plus attention à ma santé. J’ai donc décidé de m’en tenir à quarante heures. Les lois qui se mettent en place vont d’ailleurs m’aider à réaliser ce programme.

Mais c’est pour pouvoir faire un peu plus ce que j’aime, et j’ai envie de me cultiver. Vous m’avez enseigné un moyen pour me vider la tête, un moyen méditatif que j’ai beaucoup apprécié, mais qui pour moi a un inconvénient. II ne me permet pas de savoir vraiment si j’ai les idées claires ou non. II me les vide, mais, mais mes idées sont-elles plus fiables, plus claires plus rationnelles pour autant. Je n’en sais rien !

Parfois, je m’assimile à un moulin à café tournant à vide. Alors j’ai trouvé les mathématiques comme moyen thérapeutique, je m’explique: je fais des exercices mathématiques et en maths on part d’une hypothèse, on arrive à un résultat. Le résultat est juste ou faux. Pas moyen de tricher, on sait si l’esprit a vagabondé, s’il est allé ailleurs ou non.

Cela me permet de me cadrer dans les idées, de m’appuyer sur un raisonnement, une démarche et cela me fait le plus grand bien. Cela perpétue… ce que vous m’avez conseillé il y a quelque mois et que j’ai mis en pratique mais qui me laissait encore sur ma faim. »

Et bien, vous voyez avec de l’appétit, on peut faire des merveilles. L’être humain, et vous venez de le démontrer, a une possibilité de créativité innée et vous êtes votre meilleur aidant, votre meilleur soignant.

« J’avais trop l’impression d’être un intérimaire dans ma propre vie comme si je ratais la moitié des épisodes et que je n’étais pas là, la moitié du temps, c’est très insatisfaisant, d’où les difficultés de me concentrer. Donc tout ce cheminement me donne confiance pour pouvoir passer des concours administratifs Éventuellement changer de profession ou en tout cas me montrer que j’ai la capacité de faire autre chose, même si je ne le fais pas. »

Janvier 2000

Walter

« Je prends conscience qu’à trente-cinq ans je ne savais pas où j’étais et que finalement il faut s’occuper de soi pour pouvoir mieux s’occuper des autres, alors que j’ai une tendance naturelle à me rabaisser, je vais donc contre nature mais je dois faire face à une éducation, une façon de faire, qui est présente depuis mon enfance. A l’école déjà, à cinq, six ans, mon frère aîné me tirait pour y aller et je criais comme si on m’égorgeait.

A l’heure actuelle je retrouve des réflexes d’enfant par exemple je me sens en infraction si je ne tire pas les manches de mon pull sous la veste, parce que ma mère me reprochait que je n’étais pas impeccable. J’ai l’impression d’avoir un boulet, toutes mes années de gamin, c’est comme un résiduel et fonctionne encore avec.

Tout cela était le début de ma trouille à l’école et cela m’a conduit à emprunter une attitude et maintenant je reste à cette attitude de façade. Mais je me sens encore fragile, je ne suis pas moi-même. »

L’homme est ce qu’il devient, pas ce qu’il a été ! Ce boulet, est un boulet si vous le traînez à votre insu et que vous y restez enchaîné. Mais c’est peut-être aussi un poids qui vous donne une force que vous pouvez projeter vers l’avant.

Que voulez-vous faire ? Où voulez-vous aller ? Quel est votre devenir ? Quel est votre choix ? Ce sont les vraies questions

Mars 2000

Walter

« Je vous ai envoyé ma femme parce qu’elle a rechuté. Maintenant elle est mûre réellement pour se prendre en charge, travailler sur elle. Faire ce qu’elle n’a pas fait, il y a un an.

A l’heure actuelle, elle se saoule de paroles comme elle se saoulait d’alcool. Elle ne veut pas d’étiquette “malade alcoolique”. A-t-elle raison ? A-t-elle tort ?

Est-elle malade ? Il faut aussi qu’elle reconnaisse qu’elle a un problème pour pouvoir évoluer par rapport à lui.

L’autre jour elle a passé deux heures au téléphone, et fait cinq minutes de marche le lendemain de vous avoir vue.

Je lui ai dit “tu fais l’inverse de ce qu’il faut”. C’est tout à fait comme ça que tu vas réussir. Auparavant je ne lui disais rien, je la laissais toujours faire ! Maintenant il me parait important de lui donner aussi mes repères, mon ressenti, mon opinion. »

Cela vous sera salutaire à tous les deux.

« Et puis j’ai fait un rêve magnifique » :

J’ai vu un superbe soleil et dans ce soleil, il y avait un bouquet de fleurs que j’entourais avec un papier. Je coupais un peu trop les queues des fleurs.

Le soleil c’est la confiance, la joie de vivre qui doit entourer votre connaissance, symbolisée par ce bouquet de fleurs. À un moment où vous êtes plein du devenir de votre vie professionnelle et affective. Prenez garde simplement à ne pas vous couper de vos racines de façon trop importante. Faites plutôt évoluer votre travail vers un mieux ou un plus ou un champ un petit peu différent plutôt que d’en changer totalement car ainsi vous vous couperiez totalement de vos racines et vous seriez désavantagé par rapport à d’autres. Et puis vis-à-vis de votre femme, il faut toujours garder les pieds sur terre et bien s’enraciner pour ne pas partir à la dérive et faire en sorte de toujours replanter, renourrir le soleil de la vie.

Mai 2000

Ludivine

« J’ai été bien tout un temps et puis là j’ai rechuté. J’ai passé une sale semaine sous les angoisses, les pleurs et j’ai repris L’alcool. »

Nous avions convenu ensemble d’un système de représentation de son état. Chaque jour elle dessinait une ligne. Sa forme et son sens déterminaient l’état dans lequel elle était, la jauge en quelque sorte.

« Vous voyez, ça a été la chute, toute la semaine. »

Ce n’est pas la chute, lui répondis-je, c’est la pente douce. Ce serait la chute, vous ne pourriez pas arrêter le mouvement, là, vous le pouvez. Alors pourquoi ne pas l’avoir fait ?

« Parce que je suis impatiente, je manque de volonté. D’ailleurs tout le monde commence à me regarder comme quelqu’un qui n’en a aucune. Je crois que je cherche la facilité. »

Si vous la cherchiez, je ne crois pas que vous seriez là, lui dis-je.

« Non, mais quelque part je me demande parfois si j’ai bien envie de m’en sortir. En fait j’ai vécu déjà cela dans le passé. J’ai mis beaucoup de temps à m’en sortir et je pense que j’y retombe. »

Dans le passé : qu’avez-vous vécu exactement ? Parce que votre “déterminisme” me semble un peu masochiste. Avez-vous connu le masochisme ?

« Je l’ai connu, pendant treize ans. J’ai ressenti une privation de liberté. »

Quel âge aviez-vous à l’époque ?

« J’avais vingt-sept ans et j’étais perdue. Je recherchais de l’aide un peu comme je suis maintenant d’ailleurs et puis j’ai trouvé des gens de mon âge, un couple qui s’est occupé de moi, qui m’a aidé financièrement, moralement J’avais effectué beaucoup de dettes et je n’étais pas capable de subvenir à mes besoins. Donc ils m’ont permis de remonter ces dettes mais petit à petit cela a dégénéré.

Pour payer mes dettes, je travaillais chez eux. J’étais blanchie, nourrie, logée mais je peux vous dire que j’ai rendu l’aide au centuple. J’ai travaillé, j’ai donné de moi physiquement, moralement. Ils arrivaient à me convaincre que j’étais incapable de me prendre en main s’ils n’étaient pas là, que je serais complètement paumée sans eux. Et je me suis installée dans cette idée. Je crois que je suis une éternelle perdante, victime. J’avais un avantage dans la situation. Je n’avais pas de soucis, pas d’inconvénients. J’étais leur chose. J’étais leur chose par eux, pas par moi. J’étais sous pression constante. Petit à petit au fond j’ai commencé à me regimber. C’est ainsi que j’ai commencé à prendre de l’alcool. Je prenais un verre pour les supporter, pour pouvoir les affronter, pour parler. Et la dépendance alcoolique intervenait alors. Ils m’exploitaient de toutes les façons possibles. »

Sexuellement aussi bien sûr.

« Évidemment Alors j’ai décidé de repartir à zéro, de rembourser un prêt d’argent. Inutile de dire qu’ils m’en ont fait baver au delà du descriptible. Je faisais semblant d’être bien pour ne pas avoir la guerre. Je faisais semblant d’être pour le mieux et maintenant je suis encore dans cet état d’esprit. Je fais comme si tout allait bien.

Je ne parle pas, je n’exprime pas mes problèmes à mon mari, à personne ! L’énergie physique, je l’ai, mais le mental, je ne l’ai pas. Je crois que je n’ai pas encore le déclic. Je me sens étouffer, je me sens suffoquer, je me sens sous oppression. J’ai peur d’entreprendre. J’ai peur tout court. »

Ne dites pas ça. Vous vous êtes sortie de situations déjà aussi difficiles. C’en est une de plus. Je ne pense pas que vous ayez vraiment peur. Vous êtes passée par des situations que peu auraient supportées. Votre peur n’est pas la peur, mais c’est surtout l’impatience. Impatience de vouloir tout, tout de suite, en faisant un effort limité dans le temps.

Plutôt que de prendre un verre d’alcool, mettez un disque. Avez-vous effectué un rêve ?

« Oui, j’en ai fait un, justement, juste après avoir repris de l’alcool. »

Une soirée avec plein de gens. Autour d’un immense buffet campagnard, je me faufile dans la foule, je me sers un grand verre de jus de fruit, je regarde autour de moi, j’échange, le verre contre un grand verre de punch même couleur, les autres n’y verront que du feu. Je sors de la salle à toute vitesse. Je cours vers le parking. Tout est noir, il n’y a plus personne, je pleure et je transpire à grosses gouttes.

« Voilà je triche avec moi. Je ne suis pas capable d’échange. Je n’ai plus aucune crédibilité. »

La soirée, plein de gens: la soirée c’est le commencement du noir, on peut dire de la pente douce. Quand vous vous laissez entraîner vers un désir de plénitude qui reste oral puisque du ressort de la nourriture, du buffet campagnard.

Je me faufile dans la foule: je file vers le faux, ce qui n’est pas moi-même. Le regard des autres. La foule plein de gens: la crainte des autres et dans la foule je vais vers la folie.

Je me sers un grand verre de jus de fruit: assoiffée devant la vie. Je regarde autour de moi: toujours les “qu’en dira-t-on”. J’échange le verre contre un grand verre de punch : vous cherchez de l’énergie en buvant, du “punch” et non pas du punch.

Même couleur: vous vous aimez quand vous êtes en couleur, lorsque vous générez de la vie.

Les autres n’y verront que du feu : il faut aller vers le rond, vers le feu, vers la vie, vers la chaleur humaine. C’est cette chaleur, ce feu, ce rond, donc la sexualité, votre couple, qui vous permettront de sortir de la salle à toute vitesse. Vous y serez rentrée doucement; vous serez sevrée lentement de l’alcool mais vous en partirez très vite.

Pour courir ensuite dans le parking, tout est noir, donc réussir à se retrouver, sortir de ce qui est négatif en vous, de ce que vous n’aimez pas. Quand il n’y a plus personne vous vous retrouvez donc: “Je pleure” mes émotions et aussi la peur que vous transpirez à grosses gouttes.

En synthèse: retrouver sa plénitude: c’est prendre la pente douce de l’échange afin de se retrouver au-delà de la vallée des larmes.

Walter

« J’ai mis les choses au clair avec Ludivine ; si elle continue l’alcool on se sépare. Je lui ai donné du temps. Elle s’en est servie pour rester en bas. Le temps est venu de poser un ultimatum. Avant elle avait besoin d’aide et de compréhension, soit, maintenant un nouveau cycle émerge. Vous m’avez demandé un rêve; je vous en amène un. »

Rêve du 13 au 14 mai 2000

Lors d’une manifestation sportive, on est rassemblé sur des rangs de chaises. II y a beaucoup de jeunes. L’animateur annonce au micro que Cédric Pioline se trouve parmi nous.

Pioline part en vélo de course avec un autre sportif.

Ils font du vélo pendant 36 heures et reviennent. Pioline se trouve dans le bureau vide du responsable, il attend les directives. Comme personne ne vient, il s’en va en même temps que tout le monde.

Je me dis que je lui dirai bien que son père travaille parfois avec mon entreprise. (Pour lui faire plaisir, pas pour me montrer.)

Réflexion personnelle :

36=3+6=9(tout neuf)

36 heures d’effort = 3 jours

+ de 3 ans soit + de 36 mois d’effort contre l’alcool …. Fin de l’effort 36 = 36 chandelles mi-conscience, mi-inconscience.

Vélo en duo dans l’effort.

Cédric Pioline est quelqu’un dont j’apprécie le courage et la valeur. Je le sens très sincère. Il a un palmarès très étendu peut-être le plus performant mais il ne crève jamais le plafond. Il attend les directives dans le rêve.

Les directives ne peuvent venir que de vous.

Vous et Ludivine, comme vous le dites si bien dans votre commentaire êtes le duo qui évolue. II vous faut concrétiser cette évolution par l’arrêt de l’alcool, et aussi un échange à retrouver dans le couple. C’est le vide pour l’instant. Vide car nous n’étiez pas déterminé dans votre volonté, prêt à rompre l’union si nécessaire. Maintenant vous l’êtes, le père qui n’a pas joué son rôle dans l’éducation commence à s’intégrer sous forme de repères que vous vous donnez afin de mener à bien votre entreprise. Ludivine enchaînera peut-être le mouvement.

Je vous propose une synthèse mathématique comme vous les aimez car les chiffres sont des clefs.

Deux impairs font la paire. Parie, vaincs et soit neuf dans ta vie.

Depuis mars, Ludivine vient à peu près chaque semaine. L’été passe. Cinq semaines sans nous voir.

« J’ai tenu bon en pleine forme malgré le travail. J’ai eu des moments d’angoisse mais j’ai commencé à prendre de la distance.

D’ailleurs, dans mes rêves, je ne suis plus couchée mais je commence à me tenir debout! Et c’est bien ce qui se passe dans la vie courante. »

Walter évolue dans son travail,

Ludivine a arrêté l’alcool

et la F.I.V. ayant échoué, ils ont décidé d’adopter un enfant.

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