Pourquoi je rêve de me faire exploser sur un marché ?
Par Christine | Catégorie 4-Actuel
Les événements du 11 septembre à New York, en braquant les projecteurs sur le terrorisme issu du fanatisme, nous contraignent à nous interroger sur leurs racines. Les rêves d’enfants offrent un écho de leurs ressentis profonds. Certains d’entre eux deviendront-ils un jour des kamikazes ?
Nous sommes tous victimes de la violence. Sommes-nous tous potentiellement des bourreaux ? Ce sont des questions auxquelles nous devons apporter des éléments de réponse.
Sensibilisée, depuis ma jeunesse, par l’absurdité et les déchirements provoqués par les guerres, je m’intéresse, depuis vingt-cinq ans, au conflit israélo-palestinien entre autres. Si nous devions considérer l’ensemble des conflits perpétrés sur la planète entière, le sort qui leur échoit n’est pas le pire. Dans certaines contrées africaines, chinoises ou indiennes, on y massacre civils et enfants, sans même lever l’ombre d’une protestation dans une quelconque gazette occidentale. N’oublions pas le million de morts rwandais.
Derrière le conflit israélo-palestinien surgit en arrière fond notre impuissance. Comment et pourquoi des peuples riches en personnalités éclairées, intelligentes, soucieuses de bien et de paix poursuivent-ils, depuis si longtemps, une guerre fratricide ? Ils ne peuvent que s’y perdre. Et pourtant, dans ce déluge de violences s’élèvent sans cesse des voix porteuses d’espoir ou plus simplement d’éveil à la compréhension de celui d’en face, l’autre soi-même.
Parmi ces voix, celle du journaliste israélien Amos Nevo, dans le journal de Tel Aviv Yediot Aharonot[1], relate le rêve d’un enfant palestinien : “Me faire exploser sur un marché en Israël”
Le désespoir des enfants palestiniens de l’Intifada[1] s’affiche dans leurs rêves quand celui des enfants israéliens se manifeste par des inhibitions, des craintes et des replis. Le terrorisme, qu’il soit individuel ou étatique, nous impose de considérer les signaux émis par les générations montantes. Au premier rang desquels, les rêves, comme les dessins, nous offrent des clichés révélateurs des mécanismes inconscients pour une part mais prégnants et imprégnant les psychés au point d’animer des tendances qui, un jour, exploseront faute d’avoir été entendues par l’entourage social, comprises et structurées par l’individu lui-même.
Amos Nevo relate les travaux d’une docteur en psychologie clinique à l’université de Tel Aviv, Chafiq Massalha, âgée de quarante-cinq ans. Elle achève un travail sur un échantillon de cent cinquante enfants, âgés de dix à onze ans, témoins de l’Intifada d’Al Aqsa.
En 1989, elle avait analysé les rêves des enfants de la première guerre des pierres. Douze ans plus tard, ce sont des enfants moins heureux et plus désespérés qui se racontent : 90 % d’entre eux font des rêves politiques, emplis de violence et de haine. Beaucoup expriment le désir de mourir en martyr. Avant que n’éclate la première Intifada, le conflit occupait peu de place (28 % dans les rêves enfantins), la violence y était davantage verbale que physique.
Est-ce surprenant alors que de ce désespoir naisse l’envie, du moins dans les rêves de 15 % des enfants étudiés dont un quart de fillettes, de mourir en martyre pour “jouir” au plus vite des délices du monde à venir. Ainsi que le note prudemment le journaliste : en rêve, l’envie naît. Comme chacun le sait, le rêve n’est pas la réalité. Le Dr Massalha avoue sa tristesse : “De simples enfants ne trouvent plus le réconfort que dans la mort. Quand on en arrive à une situation où la mort est préférable à la vie, on peut se demander si, pour eux, la vie d’autrui a encore de la valeur. Il faut prendre ces rêves très au sérieux car ils risquent de devenir réalité. Les enfants de dix ans, que j’avais observés en 1989, ont aujourd’hui plus de vingt ans. Certains d’entre eux sont passés du rêve à l’irréparable. Ces rêves terribles devraient servir d’avertissement aux dirigeants des deux peuples. Non seulement des dirigeants irresponsables pourraient un jour être tentés d’utiliser le potentiel suicidaire de ces gamins, mais la mort est devenue un rêve en soi”.
Cette conclusion est-elle justifiée ? Est-elle juste ? Cette femme avisée, selon tous égards, humaniste et démocrate, tombe malgré tout dans les pièges d’une analyse au premier degré du rêve. Certes, elle a pour mérite d’alerter, d’avertir, ce qui en soi est déjà louable et nécessaire. Mais, en établissant l’équivalence palestinien(ne) – manque de territoire – terrorisme, elle contribue, malgré elle, à accréditer le phénomène même qu’elle entend dénoncer : la confusion des genres.
De quoi sont victimes tous ces jeunes enfants palestiniens ou israéliens, que j’associe à dessein ? Le fossé qui sépare les deux Intifadas et leur traitement dans les rêves des enfants n’est-il pas celui des adultes des deux bords et leur façon violente et haineuse de régler leur conflit ? Certes, il est aisé d’endoctriner des populations dépourvues des outils de connaissance. Surtout si elles ont la faim au ventre. Ne dit-on pas qu’alors l’homme est capable de tuer père et mère ? Mais ces jeunes sont aussi affamés de connaissance, tout comme ceux de nos banlieues.
Les fondamentalistes exacerbent la haine contenue par des promesses fallacieuses. Ils attirent les candidats au terrorisme en faisant miroiter un gain d’argent (6 000 dollars) à leurs familles démunies – il n’est d’ailleurs pas certain que ces dernières en voient jamais la trace – et prétendent surtout qu’à la première goutte de sang tombée, s’effaceront tous les pêchés. Mieux encore, 72 vierges attendraient les terroristes au royaume des cieux pour la vie éternelle ; c’est le plus souvent le fauteuil roulant ou l’opprobre de leurs proches consternés de voir leurs jeunes aussi stupidement donnés en pâture aux nouveaux inquisiteurs.
Or les textes “sacrés” sont eux-mêmes déformés. On peut lire dans le Coran, sourate 3, verset 195 : “J’effacerai les péchés de ceux qui ont émigré ou ont été chassés de leurs maisons, de ceux qui ont souffert dans mon sentier, de ceux qui ont combattus et qui ont été tués…”
La religion islamique interdit l’agression et la violence mais autorise la défense. Il est très aisé de dénaturer les textes et de leur faire dire ce que l’on veut, sous influence sectaire, d’ayatollahs, laïques ou religieux. De même, dans la Bible, la loi du Talion, “Å“il pour Å“il et dent pour dent” est une déformation du texte initial “la faiblesse donne la force au voisin”. Dans le Coran, sourate 2, verset 190, il est spécifié : “Combattez dans la vie de Dieu contre ceux qui vous feront la guerre. Mais ne commettez point d’injustice en les attaquant les premiers car Dieu n’aime point les agresseurs.”
Soutenir l’idée du choc de civilisations ou d’un combat du bien contre le mal, c’est toujours faire le lit de la haine et de la différence, quand il nous faudrait user de toutes nos forces pour lutter contre toutes les formes de manipulation visant à séparer, à haïr.
Combattons l’esprit sectaire, celui qui met tout à feu et à sang pour satisfaire d’obscurs desseins.
Ne serait-ce pas le contrôle de l’alimentation en eau potable qui se dessinerait en perspective afin de tenir sous sa botte les populations assoiffées de vie ?
Nous sommes tous des terroristes en puissance si nous ne délions pas les attentats et les Palestiniens ou tout autre peuple souffrant. Cela n’a rien à voir malgré les apparences.
Il est tentant de croire que l’un déborde sur l’autre et réciproquement. Mais quel est le peuple qui a conservé son territoire durant toute sa gestation ?
Chaque tribu s’installe là où est la place disponible, chaque peuple, là où il peut vivre sans conflit. Malheureusement, il existe des tribus qui disparaissent ou peuvent être éparpillées. C’est le lot des populations.
Les Palestiniens ne sont pas responsables d’Auschwitz. Qui est responsable ? Une minorité sectaire elle-même manipulée.
Chaque clan est manipulé l’un contre l’autre. Si cette manipulation n’existait pas, chacun pourrait s’installer sur son acre de terre. Pourquoi les Francs sont-ils allés dans le comté de Toulouse ? Pour évangéliser ou y soumettre les Cathares ? Que sont devenus les cathares ? Ils ont été dispersés. Ceux qui sont restés ont été crucifiés ou brûlés. Leur richesse faisait des envieux.
Peut-on être terrien et pacifiste ?
La manipulation est permanente. C’est le propre de la négativité humaine.
Pourquoi les Juifs ont-ils perdu leurs territoires ?
Pourquoi les Indiens d’Amérique ont-ils été éradiqués ?
Pourquoi les Francs ont-ils envahi la Gaule ?
Pourquoi les Romains ont-ils occupé la Gaule ?
Pourquoi les Bretons ont-ils émigrés de leur comté ancestral ? Par désir de conquête, mais aussi par la disparition ou l’assimilation. Que diable, n’opposons pas une population contre l’autre population, une civilisation contre une autre civilisation, une religion contre une autre religion…
Le manque de territoire n’est pas à l’origine du terrorisme. Sommes-nous tous coupables du terrorisme ? Non, répond Pascal Bruckner[1] dans son remarquable article, en invitant à désenfler la rumeur nous incitant repus et gavés à la flagellation pour cause de facture impayée à la fracture Nord-Sud. “Si le terrorisme était le fruit de la pauvreté, ses protagonistes depuis trente ans devraient appartenir à l’Afrique subsahélienne, ce qui n’est pas le cas. Ce qui motive le terrorisme, c’est la haine pure et simple. Les réseaux dormants de la multinationale Ben Laden ne sont pas peuplés de croyants mais de nihilistes. Ils confisquent la foi de leurs coreligionnaires pour la convertir en rêve d’holocaustes géants. Ce n’est pas Dieu qu’ils célèbrent, c’est la mort, leur véritable idole.”
Le manque de paix, le manque de vouloir parler, le manque de communication, le manque de respect sont à l’origine du terrorisme. Nul pouvoir ne pourra jamais l’empêcher.
Combien de clans, de villages, se combattent, se sont affrontés par orgueil ?
“Toi, Marie, Hélène, Juliette, tu ne prendras pas pour époux Joseph, Pâris ou Roméo…
Il n’est point pour toi. Mais qu’est-ce qui le différencie d’un autre ? Ah, il est de l’ethnie ennemie, du bourg d’à côté… !”
Sachons observer les événements sous un angle plus large que celui du prisme médiatique tendant à déformer et manipuler. Cela est primordial.