Comment nourrir l’humanité demain ?

« Neuf milliards d’habitants demain à nourrir » dit Bruno Parmentier – l’onomastique est toujours fascinante ! Dans cet article de Confrontations Europe, selon le directeur de l’École Supérieure d’Agriculture d’Angers, le défi de l’augmentation de la population (de 1,6 à 6 milliards) a été relevé grâce à l’utilisation intensive de facteurs de production (plus de terres, plus d’eau, plus d’énergie, plus de chimie, plus de mécanisation).

Dans le contexte d’une énergie de plus en plus rare et chère, les biocarburants et les pollutions en sus, les crises sanitaires à prévoir, il préconise de produire plus et mieux. Il souligne que la Chine nourrit huit hommes par hectare contre quatre en Europe.


Après la deuxième guerre mondiale, la PAC a fait basculer l’Europe de la pénurie à la surproduction. Un agriculteur d’aujourd’hui nourrit 80 personnes grâce à la productivité et le nombre de paysans a été divisé par dix. Les stocks mondiaux de céréales représentent trois mois de réserve à l’échelle mondiale. Les surfaces cultivables régressent, l’eau est source d’enjeux majeurs et l’énergie de plus en plus convoitée… L’article plaide à la fois pour l’agriculture biologique et pour les OGM.

Ce grand écart démontre l’ambivalence de Bruno Parmentier qui les présente comme les deux dimensions d’une même stratégie et d’une meilleure maîtrise des phénomènes vivants. « Nous n’avons encore rien vu de leurs potentialités » dit-il en évoquant les OGM. Il parle d’or et déclame que nous ne savons rien de leur nuisance potentielle pariant uniquement sur leurs bienfaits. Pari ou roulette russe, à l’heure où chacun évoque le sacro-saint et élémentaire principe de précaution ?

Où est l’innovation ? Où est la réflexion ? Il vaudrait mieux lire le Dr Yunus, prix Nobel de la Paix 2006 – nominé simultanément pour celui de l’économie 2006 – qui analyse avec une grande ouverture d’esprit la pauvreté[1] pour y apporter des solutions constructives et à portée de chacun. Il conteste Malthus qui prévoyait en 1798 que la croissance démographique mettrait à rude épreuve les ressources mondiales et entraînerait pauvreté et famine sur une grande échelle. Or, les conditions de vie se sont améliorées. En trente ans, la population du Bangladesh a doublé sans être deux fois plus pauvre. « Je soupçonne les gouvernements et les organismes internationaux d’avoir choisi d’effrayer les gens pour cacher l’autre aspect des choses – à savoir qu’ils pourraient obtenir le même résultat en termes de limitation démographique en améliorant la situation économique des individus en général et des plus démunis en particulier. … Des études, conduites par l’OMS dans plus de quarante pays en voie de développement montrent que lorsque les femmes obtiennent l’égalité, le taux de natalité diminue…  Il apparaît d’ailleurs que la pratique du planning familial (qui devrait être laissée à l’initiative de la famille et non pas être prise en charge par les gouvernements et les agences internationales) parmi les membres du Grameen (crédit solidaire) est deux fois plus élevée que la moyenne nationale. »

En clair, la charité alimente surtout la bureaucratie et retire aux pauvres toute initiative. Elle ne respecte pas l’individu. Monsieur Parmentier pourrait-il considérer le problème de la faim dans le monde sous un autre angle que celui très administratif de la FNSEA, nourri au lait de l’industrialisation massive, blanchi par un État qui, subtilement, a dessiné les lignes d’influence ? Lisons Noam Chomsky[2] : « C’est d’ailleurs l’une des grandes différences entre le système de propagande d’un État totalitaire et la manière de procéder dans les sociétés démocratiques. En exagérant un peu, dans les pays totalitaires, l’État décide de la ligne à suivre et chacun doit ensuite s’y conformer. Les sociétés démocratiques opèrent autrement. La “ligne” n’est jamais énoncée comme telle, elle est sous-entendue. On procède, en quelque sorte, au “lavage de cerveaux en liberté”. Et même les débats “passionnés” dans les grands médias se situent dans le cadre des paramètres consentis, lesquels tiennent en lisière nombre de points de vue “contraires”. »

Le biologique

L’homme, depuis des millénaires, a cherché comment façonner, moduler, développer la production des céréales par l’hybridation qui est un processus naturel, non une modification génétique artificielle. Insérer de nouveaux gènes étrangers, c’est écraser le système immunitaire du végétal. Ce qui est invisible à nos yeux est visible à ceux de nos cellules. Officiellement, déjà 40 % des maladies sont liées à l’alimentation. La fabrication et l’utilisation d’OGM laisse supposer de graves lacunes des techniciens en biologie cellulaire et en microbiologie. Ils ignorent manifestement les travaux de Lynn Marguliz[3]. Conserver notre état génétique initial est la meilleure garantie de vivre sans vieillissement prématuré ou cancérisation. Des chercheurs, et non les moindres, – Mme Mae Wan-Ho, biologiste, parmi d’autres – ont mis en garde contre la libération à grande échelle des OGM. Ils constituent, à les en croire, un risque semblable aux périls radiobiologiques dus aux armes et aux déchets nucléaires avec cette différence que les espèces créées peuvent se répandre, se reproduire

dans un cauchemar biologique irréversible. Cette prolifération ferait courir les mêmes risques qu’une guerre thermonucléaire.

Les experts nous garantissaient que la maladie de Creutzfeldt-Jakob (la vache folle) ne pouvait se transmettre d’une espèce à l’autre. Cela s’est pourtant fait.

Le professeur Bernard Herzog donne un témoignage scientifique et médical accablant sur les conséquences des OGM[1]. Les apports non conformes au monde bactériel constitutif de nos cellules induisent des mutations gravissimes qui nous menacent dans les décennies à venir. Les substrats alimentaires comportant des OGM, par leurs variations biochimiques modifient les organismes végétaux, animaux puis humains par des réactions en chaîne déstabilisantes : maladies du sang, déminéralisations, maladies mentales, cancers, Alzheimer…

L’économique

Breveter le végétal est-il sans incidence sur l’économie des pays du tiers-monde ?

Tout démontre que les OGM concourent à l’appauvrissement des pays les plus démunis sous le prétexte, brandi haut et fort, de nourrir les populations faméliques.

N’est-ce pas les affamer un peu plus que les rendre dépendantes des grands groupes industriels ? Est-il plus sage de permettre aux populations pauvres de développer leurs ressources agricoles en lien avec leur système ancestral ? (Yunus a démontré au Bangladesh que le passage de trois récoltes de riz annuelles au lieu d’une résolvait les problèmes alimentaires des régions où ce fut appliqué, dans un pays touché plus que d’autres par les désordres climatiques, les maladies et les famines) ou de les rendre esclaves d’un système industriel et de multinationales qui les appauvrissent encore plus en s’appropriant les moyens de production ? Pourquoi le mot productivité est-il toujours le seul évoqué ? Productivité et qualité de vie humaine n’ont jamais fait bon ménage.

N’est-ce pas un esclavage bien plus grand que celui perpétré naguère par les négriers puisque le paysan ne peut plus réensemencer que des semences génétiquement modifiées ?

Le stratégique

L’argument massue de Parmentier est : « Puisque tout le monde le fait, pourquoi pas nous ! »

La Bruyère dans Les Caractères lui répliquerait : « “Il faut faire comme les autres” : maxime suspecte qui signifie presque toujours “Il faut mal faire”. »

Parmentier : « Toute avancée scientifique comporte des risques… mais peut-on faire semblant d’ignorer que les surfaces plantées en OGM représenteront dans dix ans vingt à trente fois la surface agricole de la France ?… Mutualiser les fonds publics européens pour soutenir massivement de grands programmes de recherches européens dans ce domaine : c’est aussi la meilleure façon d’en contrôler démocratiquement les développements pour ne pas prendre le risque de ne plus maîtriser les clés de l’agriculture de demain et de les remettre aux multinationales américaines et chinoises. »

La nature a mis trois milliards d’années à construire un équilibre et le volontarisme à tous crins de quelques-uns viendrait modifier brutalement tout l’écosystème ? Les fautes de frappes infligées à l’aide des canons à gènes mettent en péril les espèces. Certes, nous avons  des bombes explosives… plus ou moins à retardement dans nos assiettes. Quelle est l’origine de l’apparition de nouvelles maladies, des défenses immunitaires brisées, des allergies, des conflits auto-immuns ? Pourquoi les cancers et les désordres endocriniens sont-ils en croissance, voire en explosion dans des populations de plus en plus jeunes ? Le cancer est devenu la première cause de mortalité chez les 35-65 ans. L’industrie alimentaire n’en a cure (à quelques exceptions près) et engrange des bénéfices.

Les OGM sont interdits dans les petits pots de bébés américains, pas dans ceux des européens. Ils sont curieusement bannis de la cantine de Monsanto.

Est-ce au nom de la course aux OGM qu’on peut avoir une position réfléchie et propre à ne pas nuire ?

L’éthique

« Le corps et l’esprit sont une seule et même chose, mais exprimée de deux manières. » (Spinoza,  Éthique, II, 7, scolie.)

Les OGM sont non seulement une bombe à retardement mais une tentative de modification à notre insu de nos cellules, de notre structure, qui aura pour conséquence une modification profonde de notre humus.

Est-ce pour notre bien ?

Quel degré de malignité aura-t-elle ?

Le délire collectif nous remémore d’autres souvenirs désagréables car la finance a peu cure de l’humain de chair et de peine. Peut-on assurer encore que semer des OGM n’a aucune conséquence sur l’univers végétal, minéral ? Sur les êtres humains ?

Voulons-nous des électeurs génétiquement modifiés, nourris de manière à produire des cervelles « évidées, délavées » faciles à manipuler après avoir conspué et oublié si promptement les spectres du IIIème Reich ?

La gouvernance, à l’époque, était aussi éclairée, diplômée, experte… Curieusement, c’est le même mot « manipulation » qui sert au biologique et à l’idéologique. L’envers noir de la maxime euphorique Mens sana in corpore sano.

Les maladies génétiques résultent de fractures, de ruptures chromosomiques, elles-mêmes déterminées par des carences alimentaires ou des alimentations erronées ou aberrantes engendrant une  dégénérescence ou un enrichissement relatif de certaines espèces bactérielles : des mutations.

Voulons-nous créer une nouvelle espèce d’hommes en supprimant la lignée principale ou préférons-nous enrichir la partie principeps sans la déformer ?

À quoi sert de faire perdurer une espèce dans le temps si c’est pour la voir s’enliser et se liquéfier rapidement dans le labyrinthe de la souffrance ?

Conclusion

En conclusion, l’autosuffisance alimentaire semble être une idée capitale de B. Parmentier avec laquelle on ne peut qu’être d’agrément.

De même qu’avec son souci de protection des frontières localement et l’aide aux agriculteurs dans le respect de la nature et de la vie.

Du moins dans un premier temps.

L’assistanat agricole prôné par la PAC les années passées fut une hérésie source d’un servage nouveau.

Mettre en place des mécanismes permettant la vente au coût de production est sage. Hormis ces mesures de salubrité, favoriser ou préconiser les OGM revient à louer l’apprenti sorcier qui a déjà joué au pyromane ou à Frankenstein, sans connaître vraiment ni sa créature, ni sa destination et les moyens de la freiner, de la stopper ou même de la diriger.

Les techniciens agricoles ont-ils conscience de ce pouvoir exorbitant de nuisance mis entre leurs mains ? Science sans conscience est à l’origine de lendemains amers.

La faim ne justifie pas n’importe quels moyens quand une meilleure répartition et utilisation des ressources alimentaires pourraient la pallier.

Les moyens conditionnent la fin.

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