Les bienfaits de la fatigue

« Je suis fatigué(e) » est un leitmotiv qui résonne dans la rue, au travail, chez les couples, et même au cinéma dans Un couple parfait de Nobuhiro Suwa.

Hormis la lassitude engendrée elle-même par ces mots, en quoi la fatigue pourrait-elle être bienfaisante ?

Eh bien, elle établit un contact avec la réalité des faits, la réalité des événements pour éviter de s’y heurter.

C’est aussi une prise de conscience de soi et de sa propre capacité qui peut permettre la mise en œuvre de techniques, de méthodes, de moyens créatifs pour parvenir à ses fins.

On pourrait poser la question autrement : comment être le plus fainéant possible ?

Car, pour trouver, synthétiser une recherche, inventer, il faut être très, très fainéant. Ainsi, une solution se laisse entrevoir dans la simplicité. Et pour parvenir à celle-ci, une voie royale nous est ouverte : celle du repos.

Mais attention, ne vous méprenez pas sur mes paroles, je ne fais pas ici l’apologie du laisser-faire ou du « ne rien faire ».

Je veux seulement vous signifier de prendre un changement d’angle vis-à-vis de l’activité donnée afin de savoir observer, de savoir écouter. Et pour observer, il faut prendre le temps d’un peu de paresse, le temps de s’asseoir et d’être dans le temps de l’écoute, écouter celui qui est actif, car l’actif va éventuellement déverser ce qu’il a dans la tête ou dans l’estomac.

Un bon meneur est celui qui, sachant apparemment ne rien faire, aura en revanche la capacité de mise en œuvre de l’activité brillante de ses congénères.

Nous en avons une image éclatante dans la nature : celle de la ruche. La reine prend le temps de pondre des œufs en permanence, de se faire servir par une multitude innombrable toujours en activité.

Si cette multitude est toujours en activité, elle ne peut devenir reine, elle n’en a pas le temps. La capacité de prendre le pouvoir revient au plus grand paresseux et c’est à lui seul, par pouvoir discrétionnaire, de prendre décision de disposition sécuritaire en tout lieu, en tout moment.

Voilà pourquoi la fatigue va engendrer des bienfaits. Et ces bienfaits vont être innombrables et une nécessité au sein d’une vie incessante, butineuse.

C’est cette disposition qui va permettre d’ouvrir la boutonnière, prendre le temps d’enlever les lacets du corsage sans prendre la dague, ceux du corsage ou ceux de la robe, de la jupe. Dans le passé, que faisait l’homme ?

Il boutonnait son haut de chausse. C’était aux femmes d’être assez paresseuses pour prendre le temps de le déboutonner.

Le bienfait de la fatigue va engendrer la possibilité d’engendrer une multitude de connaissances : connaissance scolaire, connaissance linguistique, connaissance du savoir, connaissance des moyens à mettre en œuvre, connaissance de la nature, celle du végétal, du vivant, des mathématiques ou des chiffres.

Ce n’est qu’en prenant le temps d’être fainéant qu’on arrive à amalgamer la somme des règles d’or et du nombre d’or. Et cette disponibilité va permettre la connaissance des dispositions ou des pouvoirs que nous avons.

Capacité de ouïr et d’entendre, de voir, de toucher, de sentir et encore de goûter, d’émettre une pensée, d’analyser, de synthétiser, de pressentir ou de l’intuition, de vibrer, de communiquer et encore bien d’autres capacités dont nous n’usons pas et dont nous n’avons même pas idée.

Que veut dire fainéant ? Fai-né-ant, faire naître en. Faire une petite sieste récréative et la connaissance reviendra au galop… Se délacer pour se délasser.

Ajouter un commentaire